lundi 7 décembre 2009

Le berger qui n'arrivait pas à dormir

C'est l'histoire d'un berger, bien de chez nous qui, un soir, ne trouvant pas le sommeil, décida de compter les moutons qui sautent pardessus l'enclos.
Alors il commença : un, deux... sept ... onze ... vingt-et-un, vingt-et-un ...
Au bout d'un moment, les moutons n'arrivaient plus. Il alla les voir et il les trouva tranquillement assis à ruminer.
Étonné, il leur demanda : "pourquoi avez-vous cessé de sauter ?"
Les moutons répondirent : "Nous faisons la grève, l'enclos est trop haut, l'herbe est meilleure à l'intérieur et on est trop peu payés ! Nous voulons de meilleures conditions de travail et des augmentations !!"
Alors le berger compris qu'il dormait profondément car, de mémoire d'homme et d'ovins, nous n'avons jamais vu de travailleurs en grève dans ce pays, sauf dans les rêves !

La Tunisie d'ici et la Tunisie d'ailleurs

Lorsque j'étais loin de la Tunisie, je pouvais lire des livres, des articles, voir des vidéos et des gens qui en parlaient librement. J'étais au courant de tout ce qui s'y passait. J'étais informé. J'y étais.

J'ai connu mon pays à travers des mots réfugiés, des langues étrangères, des photos volées ou échappées. Ces mots et ces documents transcrivaient une réalité que je n'avais jamais vue mais toujours soupçonnée. Avant mes voyages j'entendais, pendant ... j'écoutais.

Maintenant que je suis de retour c'est le black out, l'omerta. Je tends l'oreille à droite et à gauche mais je ne perçois que des rumeurs, des échos. Ce que j'avais lu et vu durant mes voyages existe-il vraiment ?
Je tente de faire l'enquête. Aucun livre, aucun journal, 404 not found et un lourd silence de mes interlocuteurs qui en dit long.

Maintenant que je vis en Tunisie ... je n'y suis plus.

Facebook Vs désinformation

Voici les résultats d'une petite étude que j'ai menée sur facebook.

La méthode employée est la suivante : j'ai recherché tous les groupes contestataires dans le réseau tunisien en tapant "liberté d'expression, démocratie, Tunisie, Ben Ali, Torture, Droits de l'homme ..."
ensuite j'ai tapé "Ben Ali 2009". Enfin, j'ai rapporté les résultats trouvés sur un tableau excel et j'ai comparé les résultats sur la base du nombres d'adhérents.

1/ pour les groupes de critiques ou les groupes contestataires:

- J'en ai relevé 29. La liste n'est pas exhaustive, il y en a plus (une quarantaine au maximum selon mon estimation personnelle)

- les thèmes abordés sont variés : liberté d'expression, anti-Ben Ali, Anti-torture.

- 8 groupes anti Ben Ali et dénoncent la dictature en Tunisie. 10 demandent plus de liberté d'expression. 6 sont pour les droits de l'homme et plus de démocratie en Tunisie. 4 reflètent des directions politiques diverses (partis politiques, parlement virtuel ...) et 1 dernier groupe revendique la fiéreté d'être tunisien.

- le groupe le plus important est "tous solidaire : Non à la fermeture de facebook en Tunisie" avec 9494 membres.

2/ Concernant les pro-Ben ALi :

- 281 groupes répondent à la recherche "Ben Ali 2009" avec toutes les régions, les villes, les villages, les associations ... qui le soutiennent.

- le Groupe "je suis tunisien je voterai Ben Ali" vient en tête avec 13376 membres

S'il y a une conclusion à tirer de cette brève observation, à mon avis elle serait la suivante. Facebook est un formidable outil de communication, de propagande et d'information, le gouvernement l'a compris.

Si nous, personnes en désaccord avec le gouvernement, ayant besoin de nous exprimer et d'informer nos concitoyens de ce qui se passe dans notre pays, si nous voulons en tirer partie, il nous faut changer nos habitudes facebookiennes.

Facebook pourrait nous être d'un grand secours à condition d'élargir au maximum nos cercles de connaissances et de diffuser largement toute information en rapport avec l'état actuel de la Tunisie (abus de pouvoir, emprisonnement-libération...)

Notre utilisation actuelle est un peu restrictive car, selon mes observations, nous retrouvons les mêmes membres dans tous les groupes contestataires, c'est un cercle introverti, qui échoue dans sa mission d'information.

L'hypothèse que je me pose suite à cette petite investigation, c'est que si chaque utilisateur du cercle contestataire, se mette en contacte avec d'autres personnes extérieures au cercle, les informations seraient mieux diffusées. Le moyens et très simple : entrer dans tous les groupes et les fans clubs et envoyer un maximum de demandes d'amitié ! ce que vous partagerez sera vu !!

Ce que je propose n'est pas une solution définitive au problème de la désinformation en Tunisie, mais au moins, que les 583080 tunisiens présents sur facebook sachent ce qui se passe chez eux.

La morgue -suite et fin-

Episode -3-

Tous prirent peur et suivirent la recommandation et pendant de longues heures on n'entendit plus rien.
Notre ami se sentait pourtant en pleine forme, il ne se trouvait pas du tout malade, il décida qu'il n'avait rien à faire dans cet endroit, il se leva, s'enveloppa dans son linceul et sortit. Il s'ennuyait en la compagnie des morts et voulait rejoindre les vivants.
Aussitôt dans la rue, il fut confronté à une situation inattendue : tous les gens, dès qu'ils le voyaient, commençaient à crier et changeaient de trottoir, une femme s'est même évanouie. Il conclu que le linceul n'était pas la tenue adéquate pour son retour dans le monde et couru jusqu'à chez lui pour se changer laissant sur son sillage des hommes et des femmes au bord de l'hystérie.
Il refit un essai en costume de ville, le résultat n'était pas meilleur. Les gens le fouillaient comme la peste et même ses proches faisaient mine de ne pas le reconnaître. La question devenait embêtante, s'il n'était admis ni chez les morts ni chez les vivants où peut-il bien aller ?
Il a commencé à maudire cet examen qu'il devait passer, cette réponse qu'il devait donner mais qui ne voulait pas sortir, ce mort-vivant qui l'avait déclaré malade... enfin, tout ce dont il se rappelle depuis ce jour noir où il s'est demandé … Mais oui ! C'était celle-là la question ! L'éternelle question à laquelle il devait répondre dans l'examen ! Une question complètement bête que personne ne se pose ! Mais qu'est ce qui l'a pris donc de la poser ? Qu'est-ce que leur à pris de la lui poser ?
….
qui ?
qui quoi ?
Quoi qui quoi ? QUI ?
Le prochain !
Comment ça le prochain ?
Celui qui viendra après
Il n'y a pas de prochain, c'est toujours le même !
Il y a toujours un autre après, c'est le principe
Non, pas ici, ici c'est toujours le même
Mais je ne suis pas d'accord, il n'a pas le droit
Qui ?
Lui !
Qui lui ?
Bein ...lui
Il a tous les droits
Ah bon !
Il s'est remémoré tout l'interrogatoire, dès le début, c'était hallucinant, psychédélique, surréaliste, mais maintenant, il s'en rappelle très bien. Il sait pourquoi on l'a interrogé, pourquoi on l'a brutalisé, pourquoi il est mort et pourquoi il a ressuscité ! Il sais ce qu'il a à faire.
Cette question que tout le monde se pose tout bas, il va la poser tout haut. Il va commencer par l'écrire sur tous les murs, dans tous les quartiers, en toutes les langues. Il va écrire aussi la bonne réponse, celle qui devrait être, qui n'est pas une réponse en elle-même mais une interrogation. Il va répéter la question et la réponse jusqu'à ce que, tous, se joignent à lui dans un grand cri unitaire :
QUI ????
NOUS NE SAVONS PAS !
On ne devrait pas savoir qui sera le prochain.

lundi 2 novembre 2009

la morgue - suite-

Episode -2-
Le mort-vivant réfléchit un long moment. C'était effectivement vrai. Tous réfléchirent avec lui. Soudain, la porte de la chambre froide s'ouvrit et laissa passer deux infirmiers ramenant un nouveau cadavre tout chaud. Il l'installèrent et partirent sans prêter attention aux autres morts.
Le nouveau-mort avait l'air très en forme, il semblait en tout cas heureux de son décès, il salua avec jovialité l'assistance « bonsoir la compagnie ! », il avait l'air d'un habitué. Les interrogations ne se firent pas attendre, qui était-il ? Que faisait-il là ? Quelle était la raison de sa bonne humeur ? Et surtout connaissait-il la destination des morts ?
« Ma fois, dit-il, où vont les morts, voici une question à laquelle je ne saurais répondre, je n'ai moi même jamais entrepris le grand voyage. Par contre, je me suis assez souvent retrouvé ici. Pour tout vous dire c'est ici que je réside. On me réchauffe une fois tous les cinq ans pour aller faire un tour en haut, déposer un papier dans une boite, je fais quelques courses pour les camarades par-ci par-là et ensuite on me ramène ici. C'est apparemment un travail dont les vivants ne veulent pas, mais à moi, il convient parfaitement. »
Il expliqua par la suite qu'à sa mort, il n'avait pas d'argent pour l'enterrement, personne n'était venu réclamer le corps et l'hôpital lui proposé ce travail pour qu'il rassemble la somme nécessaire aux funérailles. A ce jour, il a procédé à quatre missions, il lui faudra encore quelques unes pour s'acquitter de sa dette.
C'était donc la personne la plus expérimentée de l'assemblée dans les deux domaines de la vie et de la mort, on lui exposa donc le cas des réponses sans question et on lui demanda son avis. Comme il pouvait se déplacer (car il n'était pas complètement mort), il s'approcha de l'homme étendu, examina ces blessures et les marques sur son corps, ensuite il le regarda de travers et il dit : « Cet homme ment ! Il est aliéné, malade, son mal et grave et contagieux, il se transmet par la parole et l'ouïe, je vous conseille de ne plus vous entretenir avec lui, de toute façon, il ferait mieux de mourir complètement car la vie n'est pas faite pour lui. » et il retourna à sa couche et remis le linceul sur son visage suggérant aux autres d'en faire autant.
Tous prirent peur et suivirent la recommandation et pendant de longues heures on n'entendit plus rien.
a suivre ...

jeudi 29 octobre 2009

La Morgue

Épisode -1-

A son arrivée aux urgences, il avait tellement de fièvre qu'on l'a transféré au service des grands brulés. Le médecin a dit, après une brève consultation, qu'étant donné sa température extraordinairement élevée, il ne pouvait pas l'examiner notant que trois thermomètres ont fondu au contact du patient et qu'il n'est pas de ses compétences de soigner les corps incandescents. Et que, normalement, son secours irait plutôt vers les pauvres thermomètres car ceux sont eux les grands brulés dans le cas présent. Il déclara qu'il ne pouvait rien pour lui et ordonna de le transférer à la morgue ; ce qui était en soi une excellente idée, car c'était, sans conteste, l'endroit le plus frais de l'hôpital.

Ses accompagnateurs en étaient ravis. Ils réajustèrent leurs uniformes et leurs képis, firent à haute voix les prièrent qui conviennent à la situation et s'en allèrent rendre compte à leurs supérieurs.

Contre toute attente, le séjour à la morgue a eu pour effet de remettre en état notre ami. Sa température à chuté, ses douleurs se sont calmés et il se laissa aller à un doux sommeil bercé par le ronronnement des réfrigérateurs. Il s'est reposé.

A son réveil, l'un des macchabées, son voisin du frigo de gauche, lui demanda les raisons de sa présence ici en lui faisant remarquer qu'il était, selon les termes employés ''salement amoché''.

Il commença par demander s'il était, lui-même, passé de vie à trépas, on lui répondit que pas encore, mais qu'étant pour l'instant entre la vie et la mort, il pouvait communiquer avec ceux qui l'étaient. Et on le somma de satisfaire la curiosité de l'assemblée. Il raconta donc son histoire.

« Je me rappelle que j'étais à une sorte d'examen, un homme se tenait devant moi et je devais lui répondre, plus je répondais juste plus il s'énervait, et plus il s'énervait plus j'avais mal. Ce qui était bête, c'est qu'il me donnait à chaque fois la réponse que je devais dire, une réponse fausse bien entendu, mais je devais la réciter sans me soucier du reste. C'était pourtant très simple, mais à chaque fois, j'oubliais, car j'avais très mal, donc sans réfléchir je donnais la réponse vraie. Évidemment ce n'étais pas ce qu'il voulait entendre, alors il s'énervait, et ses copains aussi. J'aurais voulu répéter ce qu'il me disait de dire, mais j'oubliais à chaque fois. »

Les défunts trouvèrent l'histoire étrange, d'autant plus que leurs camarade semblait sincère. Pourquoi cet homme voulait-il une fausse réponse ? Pour résoudre l'énigme, ils lui demandèrent quelle était la question et là, à leur grande surprise, il affirma qu'il n'y en avait pas. Comment ça pas de question ?? cette histoire est contraire à toute logique. Car il ne peut y avoir de réponses, fausse ou juste, que s'il y a une question.

Le mort-vivant réfléchit un long moment. C'était effectivement vrai. Tous réfléchirent avec lui. Soudain, la porte de la chambre froide s'ouvrit et laissa passer deux infirmiers ramenant un nouveau cadavre tout chaud. Il l'installèrent et partirent sans prêter attention aux autres morts.

à suivre ...

lundi 26 octobre 2009

La Nouvelle-Tripoli

Mesdames, mesdemoiselles, messieurs,
Nous sommes heureux de vous annoncer la naissance d'un nouvel état en Afrique du nord :

la Nouvelle-Tripoli

à ne pas confondre avec la Tripoli de la Libye, notre sœur dans le totalitarisme, ni celle du Liban terre de démocratie (Dieu nous en préserve).

En cette heureuse occasion, nous présentons toute nos félicitations à notre chère Familia qui dans sa clairvoyance, sa bonté et son indulgence, n'a eu de cesse de se battre pour la création de cet état.

Nous présentons également nos hommages au néo-tripoliens, peuple bienheureux qui a permis et encouragé ce changement révolutionnaire.

Révolutionnaire !! c'est bien le terme !! Car La Nouvelle-Tripoli est porteuse de modèles économiques, sociaux, législatifs ... inédits, sans équivalents dans le monde.
Nous pouvons en citer à titre d'exemple, quelques concepts originaux :

  • "Tout à laFamilia rien à l'individu" ou l'immobilier redistribué
  • "La loi au-dessus de tous, la Familia au-dessus de la loi"
  • "Sureveillez-vous, on vous sureveille" ou la sécurité partagée
  • "Le commerce international illimité-exonéré d'impôts" (notamment de yachts)
  • "Sabba, J3ala, 9ofaa" "délation, corruption, servilité" la solidarité peuple-régents
Nous ne pouvons pas, dans cet espace restreint, énumérer tous les bienfaits de ce changement mais nous pouvons au moins en remercier les instigateurs et qu'ils continuent à nous émerveiller et à nous éblouir avec leur perspicacité !

Vive la Familia !!